Zdey, du graffiti au street-art

Issu de l’univers subversif du graffiti dans lequel il évolua durant une dizaine d’années, Zdey s’est progressivement mué en artiste street-art. Graffeur la nuit, financier le jour, il range définitivement sa calculette et se consacre à sa passion pour l’aérosol en 2014. Sa dernière réalisation, une école maternelle intégralement repeinte et observable depuis la ligne 6 du métro, entre les stations Chevaleret et Nationale, sera inaugurée les samedi 1er  et dimanche 2 octobre. Télescopage dans le monde de Zdey.

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Floating Through Pop Dimension

Graffiti VS Street-Art

Eklektike : Quelle est la différence entre le graffiti et le street-art ?

Zdey : Quand tu graffes, notamment lorsque tu pratiques le lettrage, c’est purement de l’ego-trip. Ce courant vient du New-York des années 80 et n’est généralement pas revendicatif contrairement au street-art. En graffant sur des murs illégaux, cela te procure une dose d’adrénaline. C’est comme un jeu vidéo en temps réel, avec de vrais risques.

Eklektike : Comment as-tu commencé le graffiti ?

Zdey : Débarqué de Hong-Kong vers l’âge de 8 ans, j’ai rencontré Panar (un graffeur NDLR), mon meilleur pote. Ensemble, on skatait et à force de traîner dans la rue et de voir des graffiti, on a décidé de s’y essayer et on ne s’est jamais arrêté.

Eklektike : Pourquoi passer du graffiti au street-art ?

Zdey : Après dix ans à taguer mon nom, je me suis lassé de m’adresser uniquement aux graffeurs. J’ai eu besoin de m’élargir et de devenir audible à tous. Je me suis détaché du lettrage et en 2014 j’ai donné naissance à mon personnage.

Projet Zdey Paris XIII

Eklektike : Tu as investi une école maternelle avec tes bombes dans le 13ème, en accord avec la mairie, quel était l’objectif du projet ? 

Zdey : L’idée était de donner une dernière vie à ce bâtiment des années 50-60 avant sa destruction fin octobre/début novembre. On l’a transformé en un jouet géant un peu comme un Lego dans la ville. L’intérieur de l’école est traversé par des bandes rectilignes représentant les vies passées. Elles permettent également un délire optique grâce à un effet de profondeur tout en immergeant le spectateur. Sur ce projet, la relation était plus importante que la finalité. C’était un échange d’énergies positives.

Eklektike : Quelles techniques as-tu utilisé ? zdey_extincteur_eklektike

Zdey : J’ai utilisé des extincteurs pour repeindre le toit de l’école en blanc, c’est une technique courante en graff. Les tuiles auraient été hors de prix à recouvrir à l’aide de bombes et au rouleau c’était impossible… les extincteurs étaient le moyen le plus rapide et le plus ludique ! Même les jeunes harnachés ont pu s’y amuser !

Eklektike : Pourquoi cette école ? 

Zdey : Ce projet s’est réalisé en partenariat avec le foyer Communauté Parisien. Il s’occupe d’enfants en difficulté et à travers ce projet, on a souhaité les sensibiliser à l’art et les aider à prendre confiance en eux.

Eklektike : Quel travail cela a représenté ?

Zdey : C’est plus de  300 heures de travail étalées sur deux mois et demi dont 72 heures avec les jeunes. La surface investie représente environ 1200 m² de toits, murs et sols, le tout multiplié par plusieurs couches de peinture, c’était une production titanesque.

Eklektike : Ton oeuvre est monumentale, comment prends-tu le recul nécessaire pour savoir où tu te situes dans l’avancée de ton oeuvre  ?

Zdey : J’ai compté les tuiles, c’est mathématique comme travail, mon personnage est assez symétrique. Pour les yeux du personnage on a utilisé la technique du compas humain. Et quasiment à la toute fin du projet, j’ai pris plusieurs fois le métro pour voir ce que ça donnait.

Zdey : son art et ses influences

Eklektike : D’où viennent ton personnage et ton blase ?zdey_eklektike

Zdey :  En 2014, je vivais à Bombay, je travaillais dans la finance le jour et le soir j’enfilais mon costume de graffeur sous le nom de Sodey. C’était comme vivre une double vie. En cherchant mon personnage, je me suis trouvé un lien avec Don Diego de la Vega alias Zorro et j’ai décidé de remplacer le « So » par le Z de Zorro et c’est devenu Zdey.

Eklektike : Que crées-tu généralement ?

Zdey : Mon personnage est le fil rouge, en constante évolution dans des univers graphiques variés. J’apprécie l’art synétique, les jeux d’optique et l’immersion, c’est ce qui guide mes créations. Une toile limite le procédé créatif contrairement à un mur. Je bosse à l’instinct immergé dans ma bulle, je ne sais pas toujours où je vais, je ne me restreins pas et cela permet parfois des heureux accidents.

Eklektike : Cherches-tu à passer des messages à travers ton art ?aunomdupez-eklektike-zdey

Zdey : Je colle souvent des affiches sur les banques « Au nom du pez, du fisc et du saint profit », « Papa, Maman, je suis Zdey » ou encore « Life is short, share it on Instagram » mais ça relève plus de l’humour que de la revendication. Je préfère proposer des visuels qui soulèvent des questions.

Eklektike :  Quelles sont tes influences ?

Zdey : Le parisien Jo Ber. Blu, un artiste italien, génial tant pour son art que son engagement. Des promoteurs à Berlin risquaient de se servir de ses fresques pour revendre des immeubles et contre ce phénomène de gentrification, il a repeint les murs en gris ! De la même manière à Bologne, un collectionneur s’appropriait ses créations et une semaine avant une vente, il a recouvert l’ensemble des œuvres. Il y a également l’artiste français, Seth.  Il animait une émission, « Les nouveaux explorateurs » qui m’a inspiré quand j’étais en Inde.

Zdeyxter – Mumbai 2013 from ZDEY on Vimeo.

Zdey : Ça ne m’inspire pas vraiment mais j’écoute principalement du hip hop, ATK, TSR, (du 18ème), Sniper, Davodka, NTM, Scred Connexion ou encore du Jazz. Louis Armstrong est mon artiste favori !

Eklektike : Un endroit que tu aimerais exploiter artistiquement ?

Zdey : J’adorerais faire disparaître un bâtiment en le repeignant intégralement, toit et façade et qu’il disparaisse grâce à des jeux d’optique.

Eklektike : Ton personnage pourrait-il devenir une BD ? 

Zdey : L’animer en 2D serait un réel plaisir ou créer un programme cours à la manière de La Linéa ! Je suis un grand fan de dessin animé comme le très aboutit graphiquement Samouraï Jack.

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Eklektike : Tu es dans un crew ?

Zdey : Mon crew S1TR, c’est ma famille, on a toujours peint ensemble. Pour en citer quelques uns : Nomé, Panar, Siek, Pack, Corbak, Kamtwo, Fusible, Gauché, Orgie, Sonar… On graffe ensemble pour se marrer mais toujours dans une démarche artistique. C’est un délire de pote cherchant de l’adrénaline, on ne pensait pas en faire notre vie un jour.

La condamnation de M.Chat, l’ouverture du musée du street-art

Eklektike : Que penses-tu de la condamnation qui pèse sur M. Chat ?

Zdey : La condamnation de M.Chat n’aurait aucun sens, le mec a des projets avec la mairie de paris et on veut le mettre en prison pour un croquis sur une surface éphémère. Il n’y a pas d’argument, il n’y a pas eu de dégradations.

Eklektike : Et de l’ouverture du musée du street-art ?

Zdey : Le street-art est déjà en galerie, pourquoi pas au musée. Il y a une offre et une demande, si l’artiste est en phase avec lui même, je ne vois pas ou est le problème. Cela n’empêchera pas le street-art de perdurer dans la rue. Le public change et grandit et tant mieux s’il se passe des choses.

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Journée Portes Ouvertes du 1er octobre :

Horaires :

13h – 20h

Gratuit

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A propos de Clara S. 96 Articles
Créatrice du site Eklektike.com. Explorer, tester, goûter, découvrir, repousser ses limites, courir, sauter, voyager,... Alsacienne d'origine et de coeur, parisienne d'adoption et de coeur,...