Journal de mon confinement #0

Il y a une semaine encore, mes mains agrippaient les barres du métro pour me rendre au bureau. Je buvais l’apéro chez des amis et mon fils gribouillait ses premiers calculs en salle de classe. La rumeur d’un confinement faisait sourire le plus grand nombre, moi y compris. Puis tout s’est accéléré. En quelques jours, au fil des annonces gouvernementales, j’ai compris que les prochaines semaines seraient particulières. Ceci est le journal de mon confinement.

Jeudi 12 Mars

Annonce du président Macron : plus d’école à partir de lundi prochain. Réaction primaire de deux mamans hyperactives « Cool, Mina (la grand mère, ndlr) travaille en crèche, elle devrait être au chômage technique et pourra garder la terreur ». « A nous trois semaines de vie de couple sans enfant ». « Vive les afterworks au soleil ». Et la réaction de mon fils à cette annonce : des mouvements du corps hasardeux laissant jaillir un « YESS » viscéral

Vendredi 13 Mars

Au bureau, branle-bas de combat, annulation des réunions de plus de 10 personnes. Je fanfaronne devant mes collègues qui s’apprêtent, elles, à organiser « l’école à la maison ». On déjeune dehors. Le restaurant Thaï est plein. Nous sommes six à table. La seule bouteille de gel passe de mains en mains. Le pétard de l’amitié 2.0 en temps de coronavirus. Dans la soirée j’apprends que les crèches sont mobilisées pour garder les enfants du corps médical. Ma solution de garde s’envole.

Samedi 14 Mars

Dès 9h30, le supermarché du quartier est bondé. C’est pire qu’une braderie sur le champagne à la veille de Noël. Razzia sur les denrées précieuses, mais j’arrive trop tard au rayon PQ. Je profite des premiers rayons de soleil et d’un denier petit tour avant la fin du monde. C’est un samedi classique. Même les gilets jaunes et les CRS sont fidèles au poste. La réelle prise de conscience ne se fera que dans la soirée. Le premier ministre Edouard Philippe annonce la fermeture jusqu’à nouvel ordre de tous les restaurants, musées, bars, cinémas, clubs, commerces… En gros, la consommation de l’hexagone va se concentrer sur le premier étage de la pyramide de Maslow : la bouffe, les médocs et les clopes.

Dimanche 15 Mars

Scotché une partie de la nuit au live BFM, mon cerveau est en surchauffe. Mon hémisphère droit gueule sur mon hémisphère gauche. Je n’avais pas regardé la TV depuis 2013 (cf se désintoxiquer de la TV en 4 étapes). Je tourne en boucle sur l’idée d’un enfermement total. Les images fantomatiques des grandes villes italiennes me donnent la nausée. J’écoute France Inter et frissonne au mot « coronavirus ». Je comprends seulement que nous serons les prochains sur la liste de l’indispensable confinement. Puisque c’est encore permis, et que je ne fais pas partie de la team #télétravail, j’emmène la terreur et ses microbes chez ma soeur, en week-end jusqu’au mardi.

Lundi 16 Mars

Les bureaux sont vides, la moitié de mes collègues gardent leurs enfants, l’autre moitié tousse dans son coude. Un est absent. Entre deux quintes de toux, le thermomètre affiche 39,5. Il nous donnera de ses nouvelles dans la journée. Machinalement, j’extrait des données et les balance sur Excel. Mon téléphone fixe est muet, mais mon portable vibre chaque seconde, What’sApp déblatère ses rumeurs de confinement : 45 jours, couvre feu 18h, militaires dans les rues. A 17h le verdict tombe. Le collègue absent est atteint du coronavirus. Je suis placée en quatorzaine. A 20h, la France aussi.

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A mes inexistantes heures perdues, je cultive l'ennui et la lenteur, et n'ai de meilleure compagnie que celle du vide et du silence. Le reste du temps, j'aspire à ne rien faire. http://eklektike.com/ https://www.facebook.com/bahia.lachnani