Mardi 24 Mars
Impossible à l’heure où j’écris ces lignes de me rappeler de la journée d’hier. Où sont passées les dernières vingt-quatre heures ? Claustrée de longue, la routine quotidienne, devoirs, gym, repas, écriture ne suffit pas à combler le vide laissé par les projets avortés. Les confinés dont je prends des nouvelles ont tous hâte de retrouver une vie normale. Ce qui semble précieux dans le manque devient écoeurant dans la surabondance. Subi, plutôt qu’offert, le temps dont je dispose a un arrière goût amer. En ce début de printemps, l’enfer me ment.
9h03
On a sûrement fait les devoirs. Et puis une heure de gymnastique. J’ai du écrire, non sans mal l’article de la veille.
11h57
En pleine préparation du repas, une apparition, mi Dracula, mi Jack Sparrow, me fait dresser les cheveux sur la tête. Ce pirate nain armé jusqu’aux dents me menace de son revolver en plastique. Il cherche le butin sucré caché au fond du placard. « Les Fraises Tagada ou la vie ! ». Je défends bec et ongles le trésor interdit (surtout à quelques minutes du déjeuner). Mon assaillant est plus fort, dans un vacarme de coups de feu aux sonorités beat box, je m’effondre, inanimée, sur le carrelage de la cuisine.
11H58
Je profite d’être morte pour piquer un somme;
12h02
« Maman, j’ai faim, tu peux te réveiller maintenant s’il te plaît ? »
13h27
Il me semble avoir ouvert un bouquin, lu quelques pages. Mais je ne fais pas bon ménage avec l’oisiveté forcée. Dans un souci permanent de productivité, j’entreprends des recherches pour parler d’autre chose que de la pandémie, du confinement, bref, changer un peu de sujet.
14h18
Je jette l’éponge. La planète média s’est passé le mot. Partout sur la toile, je ne trouve que des articles sur le coronavirus, et ses conséquences. Ce qui me fait réfléchir à une théorie du complot n°4 :
« Si on ne nous parle que de ça, c’est peut-être pour nous cacher quelque chose de beaucoup plus gros… »
15h02
Actu éco – à priori, on va nous la mettre (détail demain 14H en conférence de presse du gouvernement)
16h08
Je tombe sur un article de France culture. Journaux de confinement, la lutte des classes. Les célébrités n’ont pas le monopole du livre de bord ! Afin de rétablir l’équilibre j’invite solennellement Mesdames Serell et Lafon, à lire le journal de mon confinement, 100% classe moyenne, et intégralement rédigé depuis un appartement (presque) Parisien, sans balcon ni jardin.
17h33
Rafi veut chanter en Anglais, je me prends au jeu. On se met à danser. Ma moitié nous film à notre insu, entre deux Skype, et poste la vidéo sur Instagram. On fait 70 vues, on a gagné notre journée.
18h37
On lance un apéro-visio, retransmis en live sur la page Facebook d’Eklektike. On invite tous nos copains, mais entre les cours de fitness, de yoga en ligne et les dîners webcams en famille, pas évident de trouver un créneau concomitant pendant le confinement.
Pendant plus d’une heure, on se repasse le fil des événements de la semaine passée avec M. et A.V. On refait le monde. Ça intéresse une dizaine de voyeurs. Pendant ce temps, mon fils joue à un jeu vidéo débile et me grimpe sur la tête.
19h45
Je découvre que notre T2 comporte une nouvelle pièce : « l’espace coussins ».
19h53
Il s’agit en fait de notre lit, reconverti en aire de jeu rebondissante. Mon petit paquet de nerfs se prend pour un parachutiste, se jette de toute sa hauteur sur une pile d’oreillers et éclate de rire. Tout est permis..
21h12
On a lu et relu tous les livres de contes de la maison. Heureusement, j’ai plus d’un tour dans mon smartphone. On écoute Une histoire et Oli.
- Texte : Bahia L.
- Relecture : Clara S.
- Photo by Markus Spiske on Unsplash
Episode précédent : Journal de mon confinement #7